Les incendies de cet été, qui ont ravagé plus de 300 000 hectares, ont poussé le Premier ministre Pedro Sánchez à présenter, le 1er septembre 2025, un plan d’urgence climatique en 10 points. Au cœur de ce plan : l’obligation de reporting carbone, un tournant majeur par rapport aux dispositifs volontaires précédents, qui inscrit l’Espagne dans la dynamique européenne de normalisation du reporting durable.
Le cadre légal décrypté
La nouvelle réglementation s’appuie principalement sur le Décret Royal 214/2025, qui transforme le registre national des bilans carbone en une obligation. Cette loi nationale s’inscrit dans la continuité de :
- La loi 7/2021 sur le changement climatique et la transition énergétique, qui fixe les grands objectifs climatiques de l’Espagne et autorise la publication obligatoire des données carbone.
- La directive européenne sur la publication d’informations extra-financières (NFRD), qui imposait déjà à certaines grandes entreprises de publier des données ESG.
- La directive CSRD, qui élargit et renforce l’obligation de reporting de durabilité au niveau européen, avec les normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards).
Qui est concerné ?
Le Décret Royal 214/2025 s’applique pour :
- Les entreprises privées relevant de la loi 11/2018 (transposition espagnole de la NFRD) : plus de 250 salariés ET au moins 20 M€ d’actifs ou 40 M€ de chiffre d’affaires pendant deux ans consécutifs. Ces entités sont considérées comme d’intérêt public en raison de leur taille et de leur impact.
- Les organismes publics : ministères, agences autonomes, sécurité sociale et autres institutions publiques.
Au total, environ 4000 entités publiques et privées devront se mettre en conformité. Les PME ne sont pas directement concernées, mais elles pourraient l’être indirectement via la chaîne d’approvisionnement ou l’accès au financement.
Exigences de reporting : quoi déclarer et quand ?
- Début du reporting en 2026 sur les données de 2025, couvrant :
- Scope 1 (émissions directes)
- Scope 2 (émissions indirectes liées à l’énergie)
- Scope 3 (émissions de la chaîne de valeur) obligatoire à partir de 2028 pour les grandes entreprises.
- Plans de réduction : dès 2026, les entreprises doivent publier des plans de réduction des émissions à 5 ans, avec des objectifs mesurables, accessibles sur leur site web ou dans leurs rapports de durabilité.
- Vérification externe : exigée pour les grandes entreprises, en cas de demande de subventions ou si le Scope 3 représente une part importante des émissions.
Quel alignement avec la CSRD ?
La CSRD élargit considérablement le scope du reporting de durabilité par rapport à la NFRD, avec pour objectif plus de transparence et de responsabilité. Elle introduit :
- Double matérialité : obligation d’analyser à la fois la matérialité financière (risques/opportunités pour l’entreprise) et la matérialité d’impact (effets sur la société et l’environnement).
- Normes européennes harmonisées (ESRS) : pour garantir la cohérence des rapports dans toute l’UE, couvrant l’économie circulaire, l’utilisation des ressources, et la taxonomie européenne.
- Exigences renforcées pour les grandes entreprises et les PME cotées, notamment sur les risques climatiques, la biodiversité et l’impact social.
Les entreprises espagnoles concernées devront publier ces informations de durabilité en même temps que leur rapport financier. La première échéance CSRD concerne les rapports 2025 (données 2024). Les entreprises déjà engagées dans la démarche auront donc une longueur d’avance pour la réglementation nationale.
Comment s’y préparer ?
- Vérifiez votre éligibilité : votre organisation est-elle soumise aux seuils NFRD ou considérée d’intérêt public ?
- Mesurez vos émissions dès maintenant : préparez un inventaire complet Scope 1 & 2 pour 2025.
- Anticipez le Scope 3 : impliquez vos fournisseurs et commencez à collecter les données indirectes.
- Élaborez un plan à 5 ans : fixez des objectifs mesurables et reliez-les à la stratégie globale de l’entreprise.
- Alignez-vous sur la CSRD : assurez-vous que vos systèmes de reporting répondent aux normes ESRS et à la réglementation européenne.
- Évaluez risques et opportunités : réalisez une analyse de double matérialité, intégrez la gestion des risques et des droits humains.
- Intégrez le reporting : placez la durabilité au même niveau que le financier, et impliquez l’ensemble des parties prenantes (équipes, communautés, clients, investisseurs).
Quel rôle pour les logiciels ESG ?
La complexité du reporting carbone/ESG rend les processus manuels inadaptés. Les plateformes spécialisées permettent de :
- Automatiser la collecte de données sur tous les sites et la chaîne de valeur.
- Garantir la fiabilité avec des méthodologies et facteurs d’émission reconnus.
- Structurer le reporting conformément aux standards européens et à la CSRD.
- Faciliter l’auditabilité grâce à des rapports “audit-ready”.
- Suivre la performance par rapport aux plans de réduction et aux objectifs de durabilité.
- Modéliser risques et opportunités en connectant données climat et stratégie.
Intégrer un logiciel ESG dans ses systèmes de reporting permet d’assurer la conformité CSRD, de gagner en efficacité et de transformer la durabilité en avantage stratégique.
À retenir
Le passage du volontariat à l’obligation marque un tournant réglementaire en Espagne. Avec des standards contraignants, l’analyse de double matérialité et des exigences strictes, les entreprises qui anticipent sécuriseront leur conformité, amélioreront leur performance durable et resteront compétitives dans l’économie de demain.
Pour y parvenir, il faut transformer les données d’émissions en leviers de décision et rendre compte des progrès au plus haut niveau.